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La fake science, la vérité des faits et l’espace public

DÉCEMBRE 2018 - PAR PATRICK LANDMAN On ne compte pas les articles savants qui ont montré, arguments solides à l’appui, que l’application in extenso au champ psychiatrique de l’Evidence Based Medecine (ebm) et la référence unique monométhodologique aux Essais cliniques randomisés (ecr) posaient d’innombrables problèmes. Il a aussi été observé qu’il ne fallait absolument pas confondre efficacité démontrée par des méthodes statistiques et validité scientifique si ce n’est en promouvant une fake science. Pourtant l’ebm et les ecr représentent toujours la référence par excellence pour déterminer les protocoles, les guidelines et les recommandations de bonne pratique. Certes, quand il s’agit de déterminer le meilleur médicament, les ecr peuvent constituer une méthode valide ; de même quand il s’agit d’évaluer un traitement cognitivo-comportemental (tcc), les ecr ont toute leur place. Mais dans la pratique psychiatrique et pédopsychiatrique, on est le plus souvent face à des interventions complexes et non face à des actes techniques prodigués par un médecin actif sur un sujet passif, l’action se résume rarement à des soins déterminés avec précision ou focalisés dont l’efficacité peut être conçue de façon linéaire et mesurée à l’aide des ecr classiques seulement. Il est vrai que les traitements standardisés à appliquer qui sont essentiellement calqués sur les traitements pharmacologiques ont leur place en psychiatrie et en pédopsychiatrie, mais, dès que s’ouvre la perspective des soins à la personne, en particulier à l’enfant, à la prise en compte de sa subjectivité, de son contexte, de son histoire, de la complexité de son fonctionnement, ces traitements focalisés le plus souvent sur des troubles comportementaux trouvent leur limite. Les interventions complexes psychothérapiques et sociales qui représentent encore bien souvent l’ordinaire de la pratique sont difficiles à évaluer à l’aide de protocoles standardisés. Alors pourquoi les ecr sont-ils encore au sommet de la hiérarchie des preuves dans l’évaluation de l’efficacité des interventions psychiatriques dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé (has) ? Essentiellement pour des raisons politiques car l’ebm et les ecr, bien qu’ils soient artificiels et éloignés de la pratique, s’accordent au mieux avec les contraintes de la médico-économie et les exigences administratives qui en sont la conséquence. C’est la raison principale pour laquelle la fake science l’emporte sur la vérité des faits constatés dans les conditions naturelles de la clinique. Comment les professionnels impliqués dans la pratique des psychothérapies et des interventions sociales peuvent-ils faire renverser la hiérarchie des preuves qui mettrait les cas cliniques singuliers au sommet, cas cliniques qui forment le tissu de leur expérience pratique et le fondement de leur formation ? Comment ces praticiens peuvent-ils retrouver un discours performatif dans l’espace public ? Plusieurs voies sont à explorer, je citerai en particulier l’alliance avec les usagers et le recours à une évaluation adaptée en utilisant des indicateurs centrés sur les mécanismes de changement au cours des processus thérapeutiques, les critères qualitatifs, la prise en compte du transfert, les ajustements à la singularité. Il faut en finir avec le traumatisme de Chestnut Lodge qui justifie le refus de toute évaluation. Patrick Landman. Patrick Landman, psychiatre, psychanalyste, pédopsychiatre, juriste, président d’Initiative pour une clinique du sujet, stop DSM. édito paru dans le numéro 79 : Au travail avec les parents !


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