Editorial Enfances et PSY numéro 93 : Vingt-cinq ans déjà !
Le premier numéro d’Enfances & PSY est paru en septembre 1997. Vingt-cinq ans déjà… et près de cent numéros ! Vingt-cinq ans et près d’une trentaine de colloques nationaux ou régionaux réunissant des centaines de professionnels… Au cours de ce quart de siècle bien des choses ont changé dont nous avons cherché à rendre compte par le choix des sujets de nos dossiers, les tribunes et les éditoriaux de la revue. Une multitude de thèmes ont été abordés que ce soit du côté de la clinique, des pratiques, des théories, de l’environnement sociétal. Cela peut paraître incroyable mais nous en trouvons toujours de nouveaux… ce qui témoigne de la richesse du champ de l’enfance, de l’adolescence et de la famille !
Le monde change, la parentalité a évolué, les formes de la famille se sont diversifiées venant questionner nos références théoriques. Le rapport parents/professionnels s’est considérablement transformé, notamment avec le développement des sources d’information. Les activités des enfants, leurs jeux, leurs modes de relation entre pairs évoluent, avec l’inquiétante augmentation du harcèlement, le développement d’Internet et des réseaux sociaux, balbutiants il y a vingt-cinq ans. Cette révolution numérique a des effets majeurs, ouvre des possibilités de développement incroyables mais présente aussi des effets pervers considérables amenant de nouvelles problématiques aux consultations psy. Le contexte sociétal, la montée du rejet de l’autre, les soucis écologiques, un avenir de plus en plus préoccupant promis aux enfants et adolescents d’aujourd’hui, la récente et toujours actuelle épidémie de Covid, ne sont pas sans retentissement sur leur moral et leur construction.
Durant ces années la clinique de l’enfant et de l’adolescent a évolué : fréquence croissante des troubles du comportement, changement de nomenclature, dys, TOC, TOP et autre acronymes, changement de regard sur l’autisme, par exemple avec l’élargissement de son spectre. Meilleure reconnaissance des situations de mauvais traitements, d’abus sexuels. Les pratiques se sont diversifiées et se transforment en lien avec l’évolution des bases théoriques. Celles-ci se sont considérablement enrichies. Tout en gardant une large place aux sources psychanalytiques, Enfances & PSY ne s’est pas enfermée dans des références figées et a tenu compte des développements actuels. Du côté des professions de l’enfance et de leurs institutions aussi, quels changements… pas vraiment dans le bon sens. Si l’augmentation des files actives des structures de soins témoigne de leur succès, de leur caractère indispensable, elle témoigne aussi d’un mal-être sociétal croissant. Elle engendre un débordement des structures qui conduit à une dégradation des pratiques pour répondre à tous et est responsable d’une usure des équipes aggravant la pénurie de vocations. Du côté des partenaires de l’enfance, on constate une évolution équivalente : disparition progressive des RASED (réseaux d’aide spécialisée aux élèves en difficulté), des rééducateurs scolaires, pénurie de médecins scolaires et de médecins de PMI, diminution du nombre de pédiatres… De toutes ces évolutions nous avons parlé, en phase avec l’actualité de la vie des enfants et des mouvements professionnels.
Pour revenir à des choses plus joyeuses, vingt-cinq ans, cela méritait bien un petit lifting ! La revue va changer légèrement de couverture tout en gardant son identité. La présentation intérieure évolue également dans le sens d’une lisibilité accrue. Nous avons complètement revu le site Enfances & PSY . L’équipe rédactionnelle et de direction a évolué : arrivée progressive de nouveaux membres au fur et à mesure des départs des fondateurs et des premiers participants, toujours en tentant de maintenir une pluridisciplinarité. Après vingt-cinq ans de bons et loyaux services, Jean-Louis Le Run, rédacteur en chef, a souhaité passer la main au profit d’un collègue plus jeune. Il continuera de s’occuper de la « petite collection » mais c’est désormais Jean-Pierre Benoit qui devient rédacteur en chef, assisté en cela par Anne-Sylvie Pelloux, responsable des tribunes. Tous deux sont des pédopsychiatres, chefs de service très engagés dans leur travail de secteur de psychiatrie infanto-juvénile et très actifs dans la revue. Didier Lauru reste directeur de publication. Le comité de direction voit l’arrivée de Jean Chambry, pédopsychiatre bien connu des équipes de psychiatrie infanto-juvénile, notamment par ses mandats institutionnels.
Dans le contexte actuel difficile pour beaucoup d’équipes et de soignants, plus que jamais, il importe de « lever le nez du guidon », de prendre le temps de lire, de discuter, d’aller se confronter aux idées et réflexions d’autres praticiens, d’autres champs professionnels, de résister à la pression et à un certain envahissement qui nuisent à la prise de recul et empiètent sur le temps de formation pourtant indispensable. Enfances & PSY va continuer d’irriguer les pratiques et les réflexions des professionnels de l’enfance qu’ils soient psys, ou non psys mais intéressés par la vie psychique de l’enfant et de l’adolescent. Continuer de défendre une certaine idée de l’aide à apporter aux enfants, aux adolescents et à leurs familles, qui tient compte des diverses dimensions de la vie psychique, bio psychosociale, dans un esprit d’ouverture sur les autres champs professionnels. Et en définitive, puisque les enfants et les adolescents n’ont pas souvent voix au chapitre, n’ont pas de syndicats, pas de lobbies, ou d’organisation pour se faire entendre, Enfances & entend bien continuer de promouvoir leur parole à travers celle des professionnels qui en ont la charge.
Jean-Louis LE RUN pédopsychiatre, rédacteur en chef d'Enfances et PSY